Autodidacte et autoformation : comment commencer ?

Les autodidactes sont à la mode. En seulement quinze ans, internet a propulsé une quantité astronomique de connaissances, souvent gratuite, à la portée de tous. Vous souhaitez apprendre une compétence ? Vous désirez changer de parcours professionnel ? Devenir graphiste ? Développeur ? Chaque métier trouve sa formation en ligne : gratuite ou payante.

Aujourd’hui, nous n’avons ni besoin de suivre des études, ni d’être diplômé pour trouver un métier en entreprise et gagner en expérience : l’autodidacte peut apprendre n’importe quel domaine n’importe quand.

Pourtant, le parcours de l’autodidaxie a un prix : du sang, de la sueur et des larmes. Croyez-en ma propre expérience. Diplômé d’une école traditionnelle, mais freelance autodidacte, j’ai longtemps fait face au doute, au syndrome de l’imposteur et à la peur d’appliquer mes connaissances en entreprise ou pour moi.

L’autoformation est une magnifique expérience. Véritable parcours de vie, l’autodidacte qui maîtrise une nouvelle compétence ouvre la boite de pandore : vous vous rendez vite compte que vous pouvez apprendre tout au long de votre vie. L’autodidacte qui se lance dans l’autoformation se pose la question la plus importante : comment apprendre à apprendre ?

Dans cet article, j’aborde l’autodidaxie, fondée sur mes propres expériences et celles que j’ai découvertes à travers de grands hommes et femmes devenus maîtres de leur destin par l’autoformation perpétuelle. J’apporterai enfin une liste de ressources, articles, livres et vidéos pour tout autodidacte en devenir qui n’oserait pas sauter le pas.

Qu’est-ce qu’un autodidacte ?

Un autodidacte est une personne qui souhaite apprendre de nouvelles connaissances ou développer des compétences professionnelles sans suivre de formation particulière, d’études ou de cursus scolaire. L’autodidacte s’exerce à l’autoformation, hors des institutions, pour son simple plaisir ou pour trouver un travail en entreprise.

Traditionnellement, on définit deux types d’autodidactes : les selfs made, qui ne sont pas diplômés, et les autodidactes diplômés qui ont construit de nouvelles capacités complémentaires à leur principal métier.

Le dictionnaire Larousse nous donne cette définition : « Qui s’est instruit lui-même, sans maître. » Je ne pense pas que ce soit une bonne définition.

L’autodidacte s’exerce à l’autoformation, mais reçoit toujours son apprentissage par un maître, un formateur, un mentor. L’autodidacte diffère du diplômé, car il est acteur de son apprentissage : il choisit sa formation et ses formateurs.

Cette vision de la formation et du développement de compétence me vient de David Perell et son article sur le People Driven Learning.

Apprendre seul VS apprendre lors d’une formation

J’ai moi-même bénéficié des deux enseignements. Diplômé d’une école de communication et de marketing, j’ai développé à la suite des aptitudes en développement et SEO, seul. Je vis aujourd’hui d’une activité d’indépendant grâce au niveau que j’ai acquis lors de mon apprentissage en autodidacte.

Apprendre seul vous permet d’aller beaucoup plus vite. Vous fixez vos propres objectifs, vous évitez les cours inutiles, vous priorisez l’apprentissage et surtout vous obtenez des connaissances et compétences plastiques. L’autodidacte apprend souvent par la pratique : il n’est pas handicapé par le transfert de connaissance.

Atteindre ses objectifs est possible si l’autodidacte passe à l’action et applique les bonnes techniques d’apprentissage. La démarche de l’autodidacte s’oriente vers l’amélioration réelle de son niveau. Le travail quotidien de l’apprenant en autoformation doit être la recherche de la difficulté. Sans cadre, sans université et sans formateur présent, l’autodidacte doit régulièrement se tester pour mesurer son niveau et sa progression. Sans test, l’apprenant peut très rapidement tomber dans l’illusion de connaissance : il pense qu’il maîtrise l’information alors qu’il n’en est rien.

Ainsi pour l’autodidacte, une discipline de fer est requise. Nul ne viendra vous tendre la main, vous guider et valider vos connaissances. Seul vous pourrez le faire. Il doit savoir prendre de la distance avec le sujet, créer un système solide lui permettant d’identifier les bonnes connaissances, d’apprendre et de comprendre efficacement et surtout valider le développement de son niveau : voici comment s’y prendre.

L’autodidacte prend en main son apprentissage

L’autodidacte prend en main son apprentissage : que dois-je apprendre ? Comment identifier les meilleures sources d’informations ? Comment puis-je mesurer mes capacités ? Suis-je prêt à passer à la prochaine étape ? Vous questionnez votre apprentissage et tentez d’identifier le processus pour apprendre.

Les techniques d’apprentissage

L’autoformation impose la maîtrise des diverses méthodes d’apprentissage. Nul n’est présent pour vous encadrer ou vous tester : comment pouvez-vous mesurer le développement de votre niveau ?

  • Metalearning : cette méthode est essentielle pour organiser les différentes connaissances à maîtriser.
    • Quelles sont les connaissances que vous devez apprendre par cœur ? Quelles sont les connaissances nécessitant une compréhension parfaite ? Quelles sont les connaissances exigeant une pratique directe, intense et répétée ?
    • Quelles sont les sources de connaissance ? Commencez par jeter un œil aux plans de formation des universités : c’est un début. Ensuite, achetez les principaux livres du sujet et analysez les sujets dont ils font part. Enfin, regardez si certaines formations en ligne existent. Organisez ensuite ces informations selon le point précédent.
  • La pratique délibérée : clé de toute formation, la pratique délibérée permet à l’apprenant de gagner plusieurs années d’exercice. Découvrez cette technique dans cet article.
  • Le retrieval practice : récupérer la connaissance de mémoire est la meilleure manière d’apprendre. L’autodidacte se doit d’appliquer la récupération mémorielle. Exit la relecture, le surlignage, les prises de note ou l’écoute active : la seule véritable méthode de mémorisation est la récupération mémorielle. Son application est diverse et vous pourrez en savoir plus ici.
  • La répétition espacée : cette méthode bien connue par les étudiants en médecine consiste à espacer vos exercices d’apprentissage. Nous oublions avec le temps et il est donc essentiel d’espacer la pratique de votre matière. Plus vous vous améliorerez et plus vous devrez espacer.
  • Appliquer la compétence : lorsque l’on apprend en autoformation, nous cherchons à appliquer un jour cette nouvelle connaissance. La clé sera de pratiquer directement votre matière en simulant les conditions du réel. Apprenez-vous une langue ? Parlez-la, écrivez-la. À un certain moment duolingo ne vous sera plus d’aucune aide : tchattez avec des natifs, participez à des visioconférences ou rendez-vous directement surplaces. Apprenez-vous à développer ? Comprenez et mémorisez les fondamentaux de la programmation puis créez un projet, rémunéré ou non. Cette méthode vous permet d’éviter les problématiques du transfert.

Le lieu et le temps d’apprentissage

L’autoformation d’un sujet vaste et complexe demande une dévotion sans faille. Cela dit, l’autoformation ne vous impose pas non plus de bûcher toute la journée assis derrière votre bureau. Ce type de formation offre une grande liberté spatio-temporelle : vous apprenez où et quand vous le souhaitez. Bien-sûr, vous passerez une grande partie de votre temps d’apprentissage dans un état de concentration maximale à tenter de comprendre les ressources que vous étudiez. Toutefois, vous pourrez aussi utiliser différents formats d’apprentissage : audio, vidéo, schémas, etc.

Pour les types d’informations adjacentes à la pratique de votre discipline, que vous n’avez pas besoin d’apprendre par cœur et qui sont plutôt simples à comprendre, vous pourrez les écouter pendant votre temps libre, durant vos tâches ménagères, etc. Vous améliorerez ainsi votre connaissance conceptuelle des sujets.

Comment organiser son plan d’apprentissage ?

Maintenant, organisez votre plan d’apprentissage comme suit :

  1. Créez un plan de connaissance en analysant :
    1. Le contenu des cours d’université
    2. Les chapitres des 10 principaux livres couvrant le domaine
  2. Listez les connaissances que vous devez absolument comprendre pour continuer et appliquez-y la méthode Feynman. Pensez à alterner les pratiques, espacer votre enseignement pour parfaitement ancrer l’information dans votre esprit.
  3. Listez les connaissances que vous devez apprendre par cœur :
    • Appliquer la récupération mémorielle
    • Appliquez la pratique délibérée
    • Appliquez la répétition espacée
  4. Le plan des connaissances que vous devez savoir appliquer. Cette liste comprend les deux précédentes. Par exemple, en programmation, vous devrez apprendre certains paradigmes et comprendre la logique de programmation grâce à des exercices. Ensuite, à cette étape, vous construisez un projet qui comprend l’ensemble des compétences à maîtriser : le déploiement d’un projet en production, les performances de votre code, etc.
    Ce point est le plus important et le plus difficile. Il va demander une synthèse des deux points précédents et vous forcer à vous projeter la nouvelle information dans le monde réel. Ici, la pratique délibérée est essentielle.
    • Identifiez des projets concrets que vous pouvez déployer
      • Des petits exercices pratiques pour valider votre compréhension et votre mémorisation
      • Des projets majeurs, prenant plusieurs mois et représentant la pratique réelle de votre compétence : vous apprenez à développer une IA ? Codez-en une.

Restez créatif dans la manière dont vous appliquez ces grands principes. Peu importe l’exercice que vous pratiquez, seuls les préceptes comptent.

En autoformation, l’apprenant gère seul son stress

Gérer ses émotions

Être self-taught est difficile. Le bon étudiant va chercher la difficulté, seul moteur de l’apprentissage. Lorsque l’on poursuit sa propre éducation, nous sommes seuls face à nos peurs : pourrais-je atteindre mes objectifs ? Vais-je réussir ? Ai-je le niveau ? Vais-je y arriver ? Suis-je employable ?

C’est comme cela que j’ai découvert la philosophie stoïcienne : j’avais besoin d’un repère, d’un guide dans les moments de doutes.

Certaines choses ne sont pas en votre contrôle : le regard des employeurs sur votre parcours, la quantité d’information disponible, la difficulté de votre apprentissage. D’autres le sont : l’organisation de votre apprentissage, les méthodes que vous déployez, la création de votre marque personnelle pour votre employabilité. Comme le dirait Epictete : oubliez ce qui n’est pas en votre contrôle et concentrez-vous sur ce qu’il est.

Je marque volontairement un point concernant la marque personnelle. En tant qu’autodidacte, si vous documentez sur un support (chaine YouTube, blog, compte Instagram, GitHub) vos travaux, votre employabilité est à des années-lumière devant vos confrères issus d’une formation traditionnelle.

Avant d’être en freelance, j’ai été employé comme développeur dans une SSII à l’issue d’une année d’apprentissage. J’avais des preuves de mes compétences, parfaitement documentées dans un portfolio tout au long de mon apprentissage.

Comprendre que l’échec est le seul moteur du progrès

Dans l’éducation traditionnelle, à l’université ou l’école, l’individu apprenant reçoit régulièrement des tests. Depuis toujours nous nous sommes formatés aux résultats de ces tests : « je suis nul ou je suis bon ».

Dans l’autoformation, le test est différent. Votre résultat ne marque pas vos ressources intellectuelles, mais vous aiguille : il est votre boussole. Prenez une distance émotionnelle avec vos résultats et identifiez vos axes d’amélioration. Seule votre progression compte. Adhérez au Growth Mindsetde Carol Dweck : échouer à un test fait partie du processus naturel de l’apprentissage.

Le Fixed Mindset n’offre pas aux personnes le luxe de devenir. Ils doivent déjà être. Carol Dweck

Les grands personnages de notre histoire sont et ont toujours été des autodidactes

À un certain stade, le diplôme ne vaut rien. Seule compte votre capacité à vous mettre à jour. Tous les grands de ce monde ont appris à apprendre par eux-mêmes.

La plume de Churchill

Malgré son ascendance grandiose, Churchill n’a pas reçu une éducation de lettré. Si son père désirait ardemment que le jeune Winston pratique le droit, ce dernier préféra l’enseignement de l’Académie Royale Militaire de Sandhurst. Pas question pour lui d’apprendre à écrire et encore moins à discourir.

Après son diplôme en poche, le jeune Winston a soif de combat. Il part défendre les territoires de l’empire britannique dans ses guerres coloniales : au Malakand, en Inde ou encore au Soudan. C’est d’ailleurs en Inde, période pendant laquelle les officiers britanniques étaient peu mobilisés, que Churchill créa sa culture littéraire : Edward Gibbon, Adam Smith, Platon, Schopenhauer, Aristote et plus encore.

Au fil des combats, il entreprend une carrière de correspondant de guerre. Il fait régulièrement diffuser ses récits héroïques dans des journaux britanniques tels que le Daily Telegraph.

Si sa vie ne l’a jamais amené à faire carrière dans le journalisme, c’est précisément le développement de sa plume et de sa culture littéraire en autodidacte qui le conduiront au poste de premier ministre. À seulement 25 ans, toute l’Angleterre est friande de ses récits, sa notoriété lui offre un mandat de parlementaire. Ensuite, c’est encore sa plume et ses écrits sur le nazisme qui le conduisent à Downing Street.

Si Churchill apprit l’art de la guerre à l’école, c’est un autodidacte de la littérature. Son autodidaxie lui offrît ses débuts au parlement, son siège de premier ministre et même un prix Nobel de littérature.

Charlie Munger et Warren Buffett

Si tout le monde connaît Warren Buffett beaucoup moins ont connaissance de son associé et partenaire de toujours : Charlie Munger.

Munger est avocat de formation. Initié au droit des affaires, Munger exerce à Los Angeles jusqu’à ses 35 ans : jusqu’à ce qu’il rencontre Warren Buffett.

Buffet rencontre déjà un certain succès en bourse et son fonds d’investissement engrange plusieurs millions de dollars. Il suit les conseils avisés de son mentor et professeur à Columbia, Benjamin Graham, célèbre auteur de l’investisseur intelligent.

Pourtant, Charlie Munger, grand autodidacte et passionné des modèles mentaux, commence d’entrevoir un investissement différent. Buffet a toujours investi suivant les conseils de Graham, c’est-à-dire simplement, choisir des entreprises dont la valorisation boursière est inférieure à la valeur de leurs actifs. Munger, véritable curieux insatiable et autodidacte par nature, lui propose une solution alternative : valoriser les entreprises sur l’ensemble de leurs prestations : management, valorisation, marketing, savoir-faire, etc.

Dans les années 60, Buffet se détache progressivement des enseignements de son maître et se rapproche de la vision de Munger. Ensemble, ils bâtiront Berkshire Hathaway, ancienne filature devenue conglomérat financier d’une valeur de près de 200 milliards de dollars.

Munger n’a jamais appris les affaires ou la bourse sur les bancs de l’école, il s’est fait seul. Si Buffet a lui suivi des cours de business et d’investissement, il a, lui aussi, appris toute sa vie pour développer ses compétences d’investisseur.

Ces deux hommes sont la preuve vivante que l’autodidaxie n’est pas une définition, mais bien un mode de vie. L’autodidacte met tout en œuvre pour développer ses compétences perpétuellement et par tous les moyens possibles, formation, livres, exercice, expérience, échange entre confrères, etc.

Pour découvrir d’autres autodidactes :

L’autodidaxie comme crédo

Nous pouvons voir l’autodidaxie comme la simple définition du « self-taught guy ». Une personne qui échoue avant ou pendant ses études ou encore la personne qui change de carrière. Ou alors nous pouvons voir l’autodidacte comme une personne considérant chaque jour comme une opportunité pour apprendre, chaque compétence comment un potentiel lui permettant d’accomplir ce dont il rêve.

Je suis de ceux-là. Je suis diplômé d’une école de communication, mais j’ai appris des compétences annexes, non essentielles. J’apprends encore.

Les pistes pour commencer son autoformation

Les livres à lire pour réussir son autoformation

  • Mets-toi ça dans la tête : ce livre est écrit par trois personnes : spécialistes de l’enseignement et des sciences cognitives. Si vous ne deviez n’en lire qu’un, ce serait celui-ci. Pour s’autoformer, comprendre tous les principes de l’apprentissage est essentiel : c’est exactement le sujet du livre. Vous découvrirez toutes les méthodes et leurs exemples d’application.
  • Atteindre l’Excellence : Écrit par l’auteur à succès Robert Greene : comment les plus grands maîtres de notre histoire le sont-ils devenus ? Ce livre nous aiguille dans des petites biographies de personnalités maîtresses de leur domaine d’expertise. Loin d’être un livre technique, Atteindre l’Excellence vous offre une philosophie de l’apprentissage et un certain recul quant à vos capacités actuelles et votre potentiel futur.
  • Ultralearning de Scott H. Young : Certainement un livre essentiel pour tout autodidacte. L’auteur, lui-même polymath autodidacte, vous livre tous ses conseils d’apprentissage. Il a passé le master du MIT en autodidacte et appris plusieurs langues en autodidacte. Malheureusement, il n’existe pas en français. Toutefois, si vous pouvez lire en anglais, c’est un incontournable.
  • Changer d’état d’esprit : l’ouvrage de la psychologue Carol Dweck, essentiel pour appréhender l’apprentissage et accepter ses difficultés. Dweck développe le concept de Growth Mindset et nous explique l’importance de notre perception du développement de nos capacités : sans cette vision, vous mettrez bien plus de temps, voire abandonnerez plus rapidement que les autres.

Photo de couverture © Enric Moreu.

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