Il ne vous est jamais arrivé de vous retrouver au centre d’une boucle infernale ? Stress ? Échecs répétés ? Vous ne cessez jamais de commettre la même erreur. Votre conjoint vous reproche quelque chose et ce reproche fini forcément par revenir sur le tapis.
C’est normal, beaucoup le subissent. Moi le premier. C’est un problème d’approche, de méthodologie. Changer quelque chose, un vice que nous avons, une problématique dans notre entreprise, améliorer une campagne publicitaire : tout ceci demande de rationaliser et d’identifier des axes d’améliorations : c’est faisable grâce au Double Loop Learning.
Qu’est-ce que le Double Loop Learning ?
Le Double Loop Learning a été mis au point par Agyris, un professeur de science sociale et théoricien des systèmes de l’université d’Harvard. Il partait du principe que l’apprentissage n’est pas optimum au sein des organisations. Les managers et employés ont dû mal à faire progresser leurs chiffres, car ils ne parviennent pas à identifier correctement les problèmes.
Le Simple Loop Learning
C’est notre boucle d’apprentissage classique, il forme une boucle simple. On fixe des objectifs, on a une envie, on se met en marche. On commence à mener des actions puis obtenons notre résultat. Habituellement on en reste là. On va essayer d’ajuster notre approche pour avoir de meilleurs résultats, mais c’est tout.
Le problème c’est qu’avec cette approche on ne peut pas ou l’on ne veut pas prendre de recul sur les résultats obtenus. De ce fait, le Simple Loop Learning forme des boucles infernales quand ça ne fonctionne pas : le progrès est difficile, car on essaye d’améliorer les résultats sans changer la procédure.
Le double Loop Learning
Le Double Loop Learning quant à lui va chercher à mettre de la réflexion dans notre approche du problème. On va chercher à questionner notre procédure. Nous attaquons le problème, obtenons le résultat et ensuite questionnons la procédure employée pour chercher à améliorer le système.
En réalité ça n’a rien de magique, c’est principalement du bon sens allié à de l’honnêteté intellectuelle. Le truc c’est qu’on le fait trop rarement et il n’y a qu’avec cette approche que l’on peut sincèrement s’améliorer par l’expérience.
Comment appliquer le Double Loop Learning ?
C’est une procédure en plusieurs étapes. La première est celle psychologique. Le principal frein à l’utilisation du Double Loop Learning en particulier dans des populations de professionnels est la capacité incroyable de l’être humain au déni. Nous avons besoin d’assumer notre incompétence, notre échec et détestons faire ça.
Oser reconnaître ses erreurs
Alors comment faire ? Utiliser la philosophie stoïcienne pour relativiser, prendre du recul et mettre notre égo de côté.
Prenez conscience que la perception des choses est affaire de discipline. Ce n’est pas parce’que vous avez échoué, que vos résultats sont en dents de scie ou que votre processus n’est pas optimal que vous êtes mauvais.
Deux éléments régissent notre compréhension d’une situation : le contexte véritable de la situation et votre interprétation de cette situation. Nous avons un pouvoir sur notre interprétation. Alors comme le dit Marc-Aurèle :
Ôte ton opinion, alors sera ôtée la plainte. « J’ai été blessé ». Ôte la plainte « j’ai été blessé » et la blessure sera ôtée.
Développez votre volonté. C’est comme un muscle. Vous ne choisirez jamais ce qui vous arrive, la vie a ses aléas positifs comme négatifs. Il est donc impératif de comprendre que tout ne se passera pas toujours bien. La loi de Murphy. Tout ce qui peut mal se passer arrivera. Alors il faut simplement s’attendre à l’échec, ne pas espérer l’éviter, mais changer sa vision : si c’est arrivé c’est une opportunité pour mieux faire.
Le principal obstacle psychologique au Double Loop Learning est l’égo. Ce travail n’est pas simple. Loin de là. C’est même la quête de toute une vie. Il faut faire preuve d’honnêteté intellectuelle.
Une solution qui fonctionne assez bien est de changer sa vision de soi-même. Ne vous voyez jamais comme un expert, mais comme un étudiant perpétuel. Soyez un expert et votre processus imparfait vous causera du tort. Soyez un étudiant, un amateur éclairé et vous pourrez vous améliorer grâce à ce qui est arrivé.
Mesurer pour mieux visualiser
Ensuite, une fois que nous osons mesurer, que nous osons nous remettre en question, nous pouvons nous pencher sur les actions concrètes. Ici on peut utiliser la metacognition, méthode employée par Anne-Laure Le Cunff et présentée dans cet article.
Turns out, cramming content inside your brain is not the most effective way to learn
Anne-Laure nous invite à commencer par planifier, qu’est-ce que l’on peut mettre en place pour faire au mieux ? Ensuite, pendant la procédure il faut bien mesurer, annoter, tenir une espèce de journal de bord. L’objectif est de pouvoir se replonger dedans pour se rappeler ce qu’il s’est vraiment passé. Notre cerveau a tendance à oublier le moment passé, notre état émotionnel du moment, une opinion que nous avons pu avoir : il est primordial de maximiser ses chances d’être objectif.
Enfin, évaluez. Retournez dans vos données, que s’est-il passé ? Que pouvez-vous améliorer ? Aussi, avez-vous correctement saisi vos données ? Ne vous manque-t-il pas des informations ?
Pousser à l’échec
Une méthode qui fonctionne assez bien est la progression par l’échec. Votre système a des points négatifs, c’est obligatoire. Personne n’est capable de choisir la bonne solution en premier lieu, vous devez forcément mettre votre système à l’épreuve de la réalité.
Pour obtenir des retours objectifs sur votre système vous pouvez chercher à le pousser à son point d’échec. C’est le principe repris dans la méthode Feynman. C’est le fonctionnement de la théorie de l’évolution : la nature pousse à bout les éléments qui ne méritent pas de survivre, elle les pousse à l’échec pour améliorer l’espèce.
Questionner
Vous pouvez aussi questionner votre système pour voir comment il fonctionne. Le créateur du concept du double Loop Learning nous propose plusieurs questions à se poser :
- Quelle est actuellement la méthode employée ?
- Comment et à quel point diffère-t-telle des stratégies habituellement employées ? Les résultats sont-ils plus intéressants ?
- Quelles sont les règles que nous ne remettons pas en questions et qui sont utilisées ? Causent-elles du tort au système ?
- Comment pourrions-nous les améliorer ?
Savoir ce que l’on veut mesurer
Je tire cette approche du livre Lean Analytics d’Alistair Croll et Ben Yoskovitz. Ce livre est un complément au Lean Start-up d’Eric Ries. Il va bien plus loin et propose à ses lecteurs de mettre des chiffres sur le Lean Start-up et ainsi savoir ou l’on va.
Je trouve que ce principe peut tout à faire correspondre au Double Loop Learning. Finalement, diriger une start-up reposant sur un système agile d’essai-erreur c’est exactement comme apprendre des compétences : nous devons mesurer nos résultats pour progresser.
Quel indicateur nous permet de savoir que l’on est sur le bon chemin ?
D’abord la première question est :
Y a-t-il un indicateur qui nous permette de mesurer l’efficacité globale de notre manœuvre ?
Dans Lean Analytics ils appellent ça le One Metric That Matter. Souvent il est numéraire, mais peut-être que vous pouvez utiliser un indicateur empirique et observable. Attention à la mauvaise interprétation : un chiffre ne ment pas. Une observation le peut.
Cet indicateur doit indiquer le cap. Par exemple, pour certaines structures, la génération de contacts commerciaux de qualité est un indicateur qui peut nous permettre de prédire une croissance du chiffre d’affaires plus tard. Autant que la qualité du marketing passé.
Projeté à l’apprentissage, à la maîtrise d’un domaine d’expertise, ce metric peut être une vitesse d’exécution, une hausse de la facilité d’application. Identifiez quel est l’élément déterminant votre progression et attribuez-lui un score.
Qu’est-ce qu’un bon metric ?
Maintenant que l’on a notre étoile polaire il va falloir déterminer les facteurs nous indiquant un axe de progression. Ces metrics secondaires doivent avoir un impact direct sur votre One Metric That Matter et répondre aux points ci-dessous :
- Un bon metric est comparatif
- Il est compréhensible, il mesure concrètement quelque chose
- Il doit permettre de prendre des décisions pour changer notre manière de faire. C’est primordial. Une bonne mesure doit nous indiquer un changement à apporter. Sinon il ne sert à rien : évitez les « Vanity metrics ». Par exemple, votre capacité à répondre à des questions dans un certain cadre n’indique pas que vous serez capable de développer correctement des projets concrets dans votre nouveau domaine d’expertise.
- Quantitatif contre qualitatif : Au départ on peut commencer par de l’observation qualitative. Après il faut préciser par de la quantitative.