L’éducation traditionnelle est une ligne droite. Des décideurs au niveau ministériel ou universitaire se rassemblent pour décider quelles connaissances devraient être données ou non afin que les étudiants arrivent du mieux possible à servir la nation dans des entreprises, dans la recherche, dans l’aide sociale, etc.
Ce n’est pas nécessairement un problème en soi. C’est même un but louable : apporter la connaissance pour permettre aux citoyens de vivre la vie qu’ils souhaitent. Bien qu’honorable cette manière de procéder empêche, à mon sens, de cultiver et susciter un élément fondamental à l’apprentissage : la curiosité.
Cette manière de procéder impose une certaine manière de penser, une certaine manière de voir le monde et conduit au formatage des individus. L’éducation traditionnelle conduit également à apprendre des connaissances parfois futiles qui peuvent venir gommer notre perception d’amateur et de débutant pour prendre celui de l’expert aveugle à certains biais de jugement.
Toutefois, nous vivons au 21ᵉ et avons un immense avantage : nous ne sommes plus obligatoirement soumis à l’éducation traditionnelle. Nous pouvons décider quelles connaissances nous devrions acquérir ou ne pas acquérir. De nombreuses révolutions intellectuelles sont passées avant nous.
Il y a tout particulièrement Internet qui nous permet d’entrer dans une nouvelle phase d’éducation. Une phase dans laquelle nous pouvons accéder à une information peu coûteuse, mondiale, décentralisée, facile d’accès et distribuée de manière asynchrone : vous pouvez apprendre, travailler et pratiquer quand vous voulez et où vous voulez.
Il n’a jamais été aussi facile de quitter l’éducation pour suivre la voie de l’érudition : le choix de ses connaissances et du rythme d’apprentissage. C’est très pratique car cela nous permet de construire notre propre voie, de choisir quelle carrière suivre à n’importe quel moment de notre vie.
La voie de l’érudition c’est celle de l’étudiant perpétuel, de l’explorateur du monde. Elle demande de l’investissement, de la discipline et surtout une certaine dose de curiosité.
J’aborde dans ce manifeste ma vision de l’apprentissage perpétuel, ses bénéfices, inconvénients, mais aussi ses effets.
Utiliser la pratique délibérée
Le premier avantage essentiel dans l’apprentissage perpétuel est l’usage de la pratique délibérée. La pratique délibérée est très simple à comprendre. Il s’agit tout simplement de pratiquer régulièrement une quelconque activité en ayant pour objectif de progresser.
Il faut la différencier d’une simple pratique régulière. Dans la pratique délibérée, il y a une sincère envie de progresser. Cela implique de mettre de la conscience dans notre apprentissage. Utilisation de « journaux de bord », création de systèmes d’apprentissage et même l’usage de données permettant de mesurer nos progrès.
En bref, vous considérer comme un étudiant perpétuel vous invite à contrôler davantage votre évolution. La voie de l’érudition et de la pratique délibérée suit cette petite réflexion de Bill Gates :
On surestime toujours le changement à venir dans les deux ans, et on sous-estime le changement des dix prochaines années.
L’apprentissage perpétuel et la pratique délibérée permettent aussi de lutter contre un biais cognitif particulièrement néfaste : l’effet Dunning Krüger. Cet effet implique que moins nous en savons sur un sujet, plus nous croyons en savoir.
De fait, nous sommes incapables de correctement juger nos connaissances d’un domaine et sommes donc aptes à des excès de confiance en soi dans certaines situations pour commettre de lourdes erreurs.
Vaincre ses biais cognitifs
Un autre objectif de l’apprentissage perpétuel est de vaincre ses biais cognitifs et ils sont nombreux.
D’abord, qu’est-ce qu’un biais cognitif ?
Le biais cognitif est une interprétation erronée de la réalité par notre cerveau. Ils sont très nombreux et peuvent s’avérer extrêmement handicapants.
Le psychologue et prix Nobel d’économie Daniel Kahneman propose dans son ouvrage Thinking Fast & Slow une vision simplifiée des systèmes cognitifs pour nous aider à mieux comprendre le fonctionnement de notre cerveau.
Nous aurions deux systèmes cognitifs, l’un rapide, fonctionnant en permanence nous permettant d’analyser notre environnement et réagir en conséquence. Le second système, plus lent et plus rationnel, agit lorsque nous cherchons à mettre de la conscience dans nos analyses et réactions.
Alors pourquoi ne pas employer le plus souvent possible le second système ? Ce n’est pas inné, ce n’est pas naturel et ce n’est pas facile. Faire intervenir le second système est épuisant et nous faisons inconsciemment confiance au premier. Certains biais peuvent être réellement gênants. Par exemple, ils peuvent nous pousser à avoir davantage peur du terrorisme, commettre des erreurs d’analyse, de prévisions et interpréter des statistiques.
Daniel Kahneman a remarqué parmi les échantillons qu’il a analysés que des étudiants dans des écoles prestigieuses font plus facilement appel à leur système 2. Ils ont davantage l’habitude d’amener une réflexion consciente sur les sujets qu’ils abordent. C’est d’ailleurs ce que remarquent beaucoup de français ayant travaillé au sein de prestigieuses sociétés de conseil.
Apprendre perpétuellement et utiliser la pratique délibérée vous invite à « muscler » votre système 2 et y faire plus souvent appel. L’état d’esprit que vous adoptez vous invite à développer votre esprit critique et faire moins confiance à votre système 1.
Bénéficier de l’optionnalité
Autre avantage de l’apprentissage perpétuel c’est le fait de bénéficier de l’optionnalité.
Qu’est-ce que l’option ?
L’option est un concept avancé par Nassim Nicholas Taleb dans son ouvrage Antifragile, les bienfaits du désordre.
En bref, bénéficier d’une option nous amène à tirer profit du hasard. Quand on bénéficie d’une option nous profitons d’une asymétrie naturelle positive qui nous permet de profiter des hasards de notre vie : sur le long-terme nous avons plus de chance de bénéficier des événements aléatoires.
C’est un concept assez complexe, mais je vais prendre un exemple avancé par Taleb pour l’illustrer : être auteur c’est bénéficier de l’optionnalité. L’inverse d’un lecteur n’existe pas. L’inverse d’acheter votre livre n’existe pas. Avoir des gens qui nous haïssent ou des gens qui nous adorent nous renforce nécessairement. Ils parleront de nous. L’option bénéficie plus des polarités que des moyennes. Pensez à Eric Zemmour, adoré par certains, détestés par presque tous : il jouit d’une option et la bipolarité extrême des opinions le renforce.
Ainsi, apprendre, développer ses connaissances, c’est bénéficier d’une option : l’inverse de la connaissance n’existe pas, on ne peut vous retirer du savoir. Bon sauf en cas de maladies cérébrales, mais ce sont des exceptions.
Éviter le sophisme du bois vert
Par contre j’attire votre vigilance. Toute connaissance n’est pas utile, voire pire, le savoir futile peut desservir votre intérêt et vous masquer l’option.
Encore un principe de Nassim Nicholas Taleb : le sophisme du bois vert. Ce nom provient d’une anecdote qu’il raconte et dans lequel nous apprenons qu’un des meilleurs négociants d’une matière première appelée le bois vert ne savait pas que ce qu’il vendait était du bois fraichement coupé : il pensait que c’était un bois peint en vert.
Le sophisme du bois vert est donc le fait de confondre une source de savoir nécessaire pour notre activité ou pour servir notre objectif avec une autre. En bref, c’est le fait de penser que certaines informations sont pertinentes alors qu’elles ne le sont pas.
Pour éviter cet écueil il convient de rationaliser notre apprentissage et d’adopter une stratégie supprimant nos biais cognitifs et heuristiques de l’affect tout en pratiquant une pratique délibérée itérative.
Approche rationaliste de l’apprentissage : l’approche évolutionniste
Être rationnel c’est avant tout ne porter aucun jugement hâtif sur les choses. Quelle entité connaissons-nous capable de choisir en toute rationalité les actions et évolutions à mener ? Dame Nature.
La théorie de l’évolution est donc la plus à même de nous permettre de rationaliser notre apprentissage : l’apprentissage lean, agile ou l’apprentissage itératif. Le Lean Learning.
Il conviendra donc d’aborder l’apprentissage en tuant la connaissance inutile, en utilisant la pratique délibérée, analysant nos tentatives concrètes d’apprentissage et en questionnant perpétuellement sur le sens de notre apprentissage.
Pour cela nous avons des outils extrêmement précieux :
- Le First Principle
- La méthode Feynman
- Le Double Loop Learning
- Les questions socratiques
- De nombreux modèles mentaux
Chacun de ces sujets fera l’objet d’articles approfondis. Pour le moment je vous en ai cité quelques-uns afin de vous permettre de creuser ces sujets.
La non-linéarité de la fonction du savoir évolutionniste
Nous arrivons à l’ultime intérêt du savoir filtré par la sélection empirique : le savoir utile.
La fonction du savoir utile est non-linéaire. Je m’explique.
La non-linéarité, principe avancé par Taleb, consiste en une courbe convexe, c’est-à-dire qui s’accélère suivant ses deux axes.
En gros, plus votre connaissance augmente et que vous rencontrez des événements impliquant des choix, plus la fonction du savoir sera exponentielle.
Quelle est la fonction du savoir ? Eh bien, traduisez littéralement cette phrase pour comprendre. La fonction du savoir c’est tout ce que vous souhaitez réaliser grâce au savoir : réussite professionnelle, financière, etc.
Conserver l’esprit du flâneur rationnel
Tout l’objet de mes articles sera donc de creuser mon approche de l’apprentissage, expliquer les méthodes permettant d’approcher un domaine, identifier les axes de savoir à creuser, éviter les sophismes du bois vert et jouir au maximum de la non-linéarité de la connaissance et ainsi devenir un chanceux.
Être chanceux c’est selon Philippe Gabilliet, avoir une certaine attitude face aux événements inattendus. Le chanceux est une personne capable de rentabiliser l’inattendu, un recycleur capable de transformer l’inattendu en positif. Un chanceux bénéficie de l’option.
Je vais donc m’efforcer de tester de mon côté mes propres hypothèses, rapporter des informations concrètes suivant un processus scientifique. Aussi, je m’efforcerai de vous rapporter des connaissances de personnes que j’estime.
Ce site aura donc pour objectif d’exprimer des actions à mener pour contrôler son apprentissage, contrôler ses émotions, sa gestion des événements négatifs à travers le stoïcisme, la mise au service de votre objectif vos outils technologiques pour apprendre au mieux tout en conservant un état d’esprit de flâneur rationnel, contrôlant son évolution, mais ouvert à la sérendipité afin de jouir des bénéfices de la chance et ne pas se fermer à l’option.