Si la formule du bonheur restera un mystère longtemps, de nombreux philosophes ont tenté de la résoudre. Le stoïcisme, véritable philosophie de vie, propose d’atteindre la bonheur en se connectant à la nature profonde de l’homme. Zenon, Sénèque, Marc-Aurèle ou encore Epictète, ces philosophes stoïciens nous délivrent dans leurs livres et recueils de pensées les préceptes d’une sagesse millénaire.
Le stoïcisme propose d’atteindre l’ataraxie et le bonheur par la suppression de la douleur grâce à la raison de l’homme. Le stoïcisme offre un grand nombre de réflexions et d’exercice pratique à appliquer tout au long de sa vie pour mieux apprécier son destin et atteindre un jour, le statut du sage stoïcien.
Cette méthode de pensée reposant sur la vertu et l’éthique ne correspondra pas à tout le monde : la philosophie stoïcienne est exigeante. Chercher à devenir un sage stoïcien vous responsabilise quant à votre accomplissement et votre bonheur.
Quelle est l’origine de la souffrance ?
Avant toute chose, essayons d’identifier une piste. Ici je vais reprendre la thèse de Shopenhauer, qui nous le savons, a très largement étudié les philosophes stoïciens antiques.
Pour Shopenhauer, la souffrance provient du désir. Nous désirons ardemment quelque chose, une personne, un statut, un objet et ce désir créée en nous une souffrance. Pour être heureux, nous cherchons à satisfaire à tout prix ce besoin.
La satisfaction de ce besoin n’est pourtant pas une solution en soi. En effet, combler son désir apportera un plaisir momentané, la souffrance disparaît pour laisser place à l’ennui, douleur équivalente pour le philosophe.
Prenez l’image de l’homme qui a réussi au volant de sa Ferrari. Si obtenir cette voiture était essentiel pour lui, l’habitude prend le dessus et sa voiture devient ennuyeuse : quel sera son nouveau désir ? La douleur ressentie, gommée par le nouveau plaisir revient de nouveau à cause du nouvel ennui : c’est l’adaptation hédoniste.
Entendons-nous bien : l’objet du désir évoqué ci-avant n’est pas seulement un objet matériel et consommable. Il peut-être le désir de vivre une vie sans se souvenir de souffrances infantiles, le désir d’avoir une vie différente, le désir d’être différent.
Notre relation à nos propres désirs serait donc responsable de la douleur. Si Shopenhauer était en désaccord avec les stoïciens quant aux conclusions, je pense personnellement que le stoïcisme est la réponse parfaite à la douleur. Voici les mots qu’écrivit Sénèque à son ami Lucillius pour obtenir les clés du bonheur :
Le sage se suffit quant au bonheur, mais non quant à la vie elle-même. Celle-ci a de nombreux besoins : il ne faut pour le bonheur qu’un esprit sain, élevé, attiré par le sublime, et qui se moque de la Fortune. – Sénèque
Voyons à présent à quelles pratiques les sages stoïcien se sont adonnés pour être heureux.
1. Changer sa perception
La première étape d’une pratique stoïcienne est le changement de perception. Être heureux passe avant tout par la gestion émotionnelle, atteindre l’état d’ataraxie prôné par la philosophie stoïcienne.
Suspendre son jugement
L’œil qui perçoit est faible, l’œil qui observe est fort – Miyamoto Musashi
Un événement n’a aucune valeur intrinsèque : il n’est ni bon ni mauvais. C’est l’interprétation que nous en faisons qui nous touche. Notre éducation, notre société et notre humanité nous pousse à avoir des idées reçues sur les choses.
Nous ne pouvons pas contrôler la survenue d’une émotion. C’est un mécanisme profondément ancré dans le fonctionnement automatique de notre cerveau. En revanche, nous pouvons écouter cette émotion, prendre du recul et suspendre notre jugement.
Ôte ton opinion, alors sera ôtée la plainte .« j’ai été blessé » Ôte la plainte « j’ai été blessé » et la blessure sera ôtée. Marc-Aurèle.
Un objet de désir est régi par deux choses :
- Le contexte réel : la situation objective et vraie
- Le cadre : l’interprétation individuelle que chacun peut en faire.
Méditez sur les aléas de votre vie et prenez une position d’observateur. Déconstruisez l’objet de votre désir ou l’événement négatif qui a surgi : que sont-ils réellement ? Marc-Aurèle avait pour habitude de décrire simplement et objectivement les objets de désir. Selon ses mots, un bon vin n’est jamais autre chose qu’un amas de raisin fermenté.
Quand nous ne parvenons pas à atteindre un objectif, quand un événement de la vie survient aléatoirement et nous porte préjudice exerçons-nous à l’image de Marc-Aurèle : « Souviens-toi d’ailleurs, en tout événement qui te porte au chagrin, d’user de ce principe : Ceci n’est pas un revers, mais c’est un bonheur que de noblement le supporter. ».
Le stoïcisme nous offre une perception différente de l’obstacle. Il devient une occasion d’appliquer les principes stoïciens. Cette philosophie nous invite percevoir le réel tel qu’il est et non comme nous voudrions qu’il soit. Notre but : embrasser notre destin, sans joie ni dégoût.
Méprise ton sort et tu maîtriseras ton bonheur.
« Si tu vis selon la Nature, tu ne seras jamais pauvre; si tu vis selon l’opinion, tu ne seras jamais riche. » Sénèque
Pratiquer le memento mori
Les stoïciens ne nous laissent pas sans armes. La visualisation négative et plus particulièrement le Memento Mori facilitent le changement de votre perception.
Vous avez le choix du support, un carnet de pensée, une méditation silencieuse ou comme Sénèque, une réflexion quotidienne au coucher pour penser votre vie.
La visualisation négative est un exercice au cours duquel vous imaginez les pires choses qui puissent survenir. La mort de vos proches, la perte de votre emploi, l’échec de votre entreprise, votre faillite personnelle.
S’exercer quotidiennement à la visualisation négative vous permet d’éviter l’adaptation hédoniste. Vous vous rappelez sans cesse que toutes les chose qui vous entourent son éphémères. Vous vivez alors plus ardemment les moments importants, vous vous préparez à la survenue du pire et évitez les regrets lorsque l’événement arrive.
Le Memento Mori est une application de la visualisation négative à votre propre mort. La mort bouleverse tout. En pensant votre mort vous prenez de la hauteur sur vos désirs et les problématiques que vous rencontrez. Lorsque vous serez sur votre lit de mort, cet événement aura-t-il eu une quelconque importance ?
Je travaille à ce que chaque jour soit pour moi toute une vie. Et vraiment, je le saisis au vol, non comme s’il s’agissait du dernier, mais dans l’idée qu’il pourrait l’être. Sénèque
En vous rappelant régulièrement votre mortalité, vous percevez mieux l’importance du quotidien. Vous créez un sentiment d’urgence, vous appréciez mieux les moments passés avec votre entourage, vous vous motivez davantage pour accomplir ce dont vous avez envie.
2. Se détourner de ce qui est hors de votre contrôle
« Des choses qui dépendent de nous et de celles qui n’en dépendent pas » – Epictète
Le concept du contrôle est un fondement du stoïcisme. De nombreux éléments sont hors de notre contrôle. En revanche, notre réponse à ces événements est systématiquement en notre pouvoir.
Vous n’avez aucun contrôle sur les événements extérieurs, la météo, votre patrimoine génétique, le comportement des autres ou encore le passé.
Les philosophes stoïciens nous rappellent toujours qu’essayer de changer ce qui est hors de notre contrôle est une vaine poursuite : nous nous épuisons physiquement et psychologiquement et rendons notre vie plus difficile.
Notre insatisfaction et notre malheur provient de nos tentatives infructueuse d’altérer le cours des événements hors de notre portée.
Qu’est-ce qui est à moi et qu’est-ce qui n’est pas à moi ? Qu’est-ce qui est en mon pouvoir et qu’est-ce qui n’est pas en mon pouvoir ? Je dois mourir. Dois-je donc le faire aussi en gémissant ? Je dois être emprisonné. Et aussi me lamenter ? Je dois partir en exil. Qu’est-ce que qui m’empêche de partir en riant, joyeux et tranquille ? – Epictète
Que pouvez-vous contrôler ?
- Votre esprit : votre réaction logique aux choses, vos objectifs personnels, les objets de vos désirs.
- Les actions que vous entreprenez : les actions que vous mettez en place pour évoluer, grandir et réagir aux événements.
Vous ne contrôlez pas la réussite de votre entreprise mais les actions que vous mettez en place chaque jour pour l’atteindre. Vous contrôlez votre capacité à dominer votre esprit pour stabiliser vos émotions et continuer dans la voie que vous avez décidé de suivre.
3. Ascetisme
La philosophie stoïcienne propose une vie d’ascète. Les textes prônent l’arrêt de la poursuite des objets de désir, de vivre simplement avec les éléments nécessaires à la vie de l’homme.
Attention. Les stoïciens ne prônent pas la vie d’ermite loin des hommes et de la vie citoyenne.
La philosophie veut que l’on soit tempérant et non le tortionnaire de soi-même ; toutefois, la tempérance n’exclut pas de s’apprêter. Voici où j’aime que l’on s’arrête : je voudrais un juste milieu entre la vertu parfaite et les mœurs du siècle, et que chacun, tout en se jugeant inférieur à nous, se reconnût en nous. – Sénèque
Comme nous le voyons ci-dessus, le stoïcisme s’adapte aux évolutions de notre société. Nous ne devons pas chercher à devenir un sage hors de la civilisation mais bien appliquer les principes stoïciens dans notre vie quotidienne.
Marc-Aurèle était empereur, Epictète dirigeait une école de philosophie réputée dans tout l’empire romain et Sénèque était l’homme le plus riche de Rome. Ils étaient actifs et entreprenaient des projets.
L’ascétisme que prône le stoïcisme est un ascétisme intellectuel. Ayez des désirs, lancez des projets et profitez de vos proches. En revanche, appliquez les principes stoïciens pour cultiver un détachement permettant d’arriver au bonheur.
Une vie intelligente tient toute entière à la recherche d’une position émotionnelle de ce type pour éliminer la douleur cuisante du préjudice, ce qui revient, comme nous l’avons vu, à faire mentalement son deuil de biens matériels de façon ce que leur perte ne cause aucune douleur. Dès lors, la volatilité du monde ne vous affecte plus négativement. – Nassim Nicholas Taleb
Pour conclure
De nombreux courants de pensée permettent de vivre plus heureux. Nombreux sont les livres de développement personnel et de psychologie délivrant astuces, méditations et réflexions pour y parvenir. Le stoïcisme n’est pas une finalité et ne conviendra pas à tout le monde.
Philosophie exigeante, le stoïcisme propose une alternative en mettant votre bonheur entre vos mains. Les philosophes stoïciens n’invitent à renoncer ni au plaisir physique et mental, ni à l’ambition. Le stoïcisme vous responsabilise et vous invite à la pratique quotidienne de la philosophie et de la réflexion.
Vous entraîner chaque jour muscle votre raison, transforme votre perception et vous invite à agir pour votre bonheur.